Titre du livre : L’Écho des cavernes, ou comment l’homme de cro-magnon a inventé le langage
Auteur : Pierre Davi
Genre(s) du roman : Humour
Public visé : Les jeunes qui aiment le français, les jeunes qui ont du mal avec le français, et tout ceux qui ont envie de s’amuser.
Édition : Syros
Année de parution : 2002 (2009 pour la présente édition)
Nombre de pages : 199
De quoi il est question : Un jour, Sapiens prend conscience de la limitation du « wroumpf », surtout en stratégie militaire. Mais Sapiens n’aime pas rester sur un échec et, surtout, c’est un penseur. Qu’à cela ne tienne, Sapiens est ambitieux : il inventera le langage. Une de ses premières décisions ? Se nommer Adam. Le reste viendra après.
AVIS :
Il y a certains livres que l’on choisis pour leur couverture, d’autres pour leur auteur, d’autres pour leur sujet, et d’autres pour leur titre. L’Écho des cavernes fait clairement partie de la dernière catégorie. Enfin, je l’ai choisi pour son sous-titre : ou comment l’homme de cro-magnon a inventé la grammaire. Intriguée, je me suis penchée sur ce livre et quand je me suis rendu compte que ce livre retracerait l’évolution de la langue, du « wroumpf » au subjonctif, je n’ai pas pu résister ! Sérieusement :
Homme de cro-magnon + wroumpf + histoire de la langue = banco !
En une après-midi, j’avais fini de le lire et eu droit à plusieurs crises de fou rire. Ce fut un véritable coup de cœur, auquel je ne m’attendais pas. Alors, forcément, je veux le partager !
Autant vous le dire tout de suite, ce cours d’histoire est un véritable capharnaüm. Historiquement, presque rien n’est bon. Mais dans cette nouvelle édition, on est prévenus dès la préface :
« Qu’est-ce que c’est que ce sapiens de 400 000 ans au pire, qui n’est pas fichu d’articuler d’autres mots que « wroumpf » et qui se pique d’inventer le langage qui en accuse 2 000 000 au moins, au coin d’un premier feu qui en a 500 000 s’il est maîtrisé, et on apprendra plus tard qu’il ne l’est même pas ! […] Du côté du temps donc, c’était sans espoir. »
Les anachronismes sont donc légion, pour notre plus grand plaisir. Ce livre se situe peut-être il y a 400 000, 2 000 000 ou 500 000 ans, ce n’est pas pour autant qu’il ne parle pas aux lecteurs d’aujourd’hui. Ainsi, lors d’un cours sur les adjectifs possessifs, il est question de la propriété :
« En fait, le piège était inévitable. Réfléchissez ! Dans un premier temps, on décide de déterminer les noms. “Dent” devient “une-dent”, “cette-dent”, “trois-dents”, “les-dents”. Bien. Après coup, on découvre les pronoms personnels “moi”, “toi”, “elle et lui”, il n’y a plus à réfléchir. “La dent à moi”, qui à la rigueur est acceptable pour une dent de lait, cède vite le pas, dès la première carie, à “Oh-mes-dents !”. “Les-petits –pieds-à-toi”, c’est charmant dans la bouche d’une mère, mais il faudra bien en venir à “Oh-la-la-tes-pieds !”. On ne pouvait donc pas se passer bien longtemps de l’adjectif possessif mais, du même coup, on réveilla un monstre endormi : le sens de la propriété. Et la propriété c’est… On ne savait pas encore ce que c’était, mais cela devint immédiatement une source d’ennuis. »
Adam a même des assauts de révolte politique, un peu trop tôt certes, mais la germe révolutionnaire est bien présente :
« Il brandit son poing et hurla :
— Fascite !
Ce qui n’eut aucun effet sur les populations. »
Les réalités historiques et actuelles sont plus ou moins traitées (surtout moins que plus), mais quand elles le sont, c’est toujours avec humour.
Cependant, qu’a-t-on à faire de l’historicité de ce livre ? C’est de grammaire que ce livre est supposé parler. En effet, et il le fait avec brio. Bon, on est loin du cours magistral d’histoire de la langue ou de linguistique historique comparée. Mieux, on est là devant un livre intelligent qui explique les bases de la langue française de manière ludique, claire et succincte.
N’importe qui peut lire ce livre et s’amuser, voire s’éclater, avec la grammaire revue par Pierre Davy. Premièrement, ce dernier écrit bien, très bien même. C’est simple, au moment de chercher les citations à vous présenter, il y avait tellement de phrases-paragraphes qui me plaisaient que j’aurai pu réécrire le livre dans son intégralité ! L’Écho des cavernes se consomme comme une gourmandise pétillante qui, en prime, soigne les maux de dents. On prend plaisir à le dévorer, et mine de rien, on apprend deux, trois petites choses – ou on se remet bien en tête ce qu’on savait déjà.
Mieux qu’un cours, c’est une véritable histoire puisque l’on suit la vie de Sapiens-Adam, ses problèmes conjugaux – en même temps, qu’elle idée de batifoler avec Cousine ! –, l’évolution du village, les naissances et les décès, les visites de clans voisins, etc. On suit des personnages qui nous sont tout de suite sympathiques, tels que le Peintre, le Sorcier ou Matheu, mais aussi Adam et Ève, bien sûr, Cousine, Phacochère et Phacochère II, etc. Et parce qu’on s’y attache, ils rendent la création du langage d’autant plus réelle et palpable. Qui peut ne pas succomber aux charmes d’un cours de grammaire à la sauce Plus Belle la Vie, je vous le demande !
« Dès le départ, il avait été évident qu’il y avait trois personnes en cause : Ève, Adam et Cousine.
Mais au fil du discours la dénomination avait évolué. Parlant d’elle-même, Ève se frappait la poitrine en utilisant un “moi-je” outragé, puis elle lui plantait son index dans l’estomac d’Adam en l’interpellant d’un “toi-tu” accusateur, et pour évoquer la péronnelle qui avait évidemment disparu, la jeune femme
se contentait d’un “elle” nettement dépréciatif.
“Moi-je”, “toi-tu”, “elle”, pas de doute, tout le monde y était, la première, la deuxième et la troisième personne. Ébahi par cette trouvaille pronominale, Sapiens ne prêtait pratiquement pas d’attention au fond du sujet qui pourtant ne manquait pas d’intérêt : “moi-je aimer toi, toi-tu tromper moi avec elle,
elle petite conne.” »
Ou encore (pour en revenir aux dérives de l’adjectif possessif, ou à la cabale d’Ève contre la pauvre Cousine) :
« Il fut lui-même pris de court par le succès que rencontra l’adjectif possessif. Tout particulier celui de la première personne. […] Le Sorcier décréta que désormais toute interpellation à lui adressée serait précédée de “Mon-seigneur”. Le Peintre ne désigna ses dessins que sous le terme global de “mon-œuvre”. Ève, quant à elle, frotta son nez contre celui d’Adam, en susurrant : “mon-chéri”.
En contrepartie, elle ne désigna plus Cousine que sous l’appellation contestable de “ta-pouffe”.
Après une telle démonstration des facultés linguistique, je perds mes mots. Je vais donc terminer ici ma présentation de L’Écho des cavernes en concluant synthétiquement comme Matheu pourrait le faire. Pourquoi vous conseiller de lire ce livre ? Parce qu’il est original, drôle, intelligent et ludique. À vous de voir si je vous ai donné ou non envie de le lire, mais une chose est certaine, moi, je le relirai à coup sûr ! C’est un livre comme on en trouve peu sur le sujet, surtout en jeunesse, et je ne peux que vous inciter à le découvrir.
20/20
Drôlement intelligent